Réflexions

Privilégiés

Les voyages, où qu’ils se fassent, sont hors de portée d’une grande partie de la population mondiale.

Tout d’abord, voyager en liberté nécessite une approbation de visa fondamentale qui correspond à la « puissance » de votre passeport. Singapour, par exemple, permet l’entrée sans visa dans 127 pays, ce qui en fait l’un des passeports les plus puissants du monde ; l’Allemagne et la Corée du Sud se situent à proximité. Si vous détenez un moins bon passeport, vos voyages seront certainement limités en raison d’interdictions, de frais de visa, ou de procédures de demande plus compliquées.

Être né et élevé dans un pays doté d’une monnaie forte et d’une économie stable a également des implications directes sur vos voyages. Avec une telle monnaie forte, vous pouvez voyager en Thaïlande, au Népal, en Inde et dans de nombreux pays et penser secrètement que tout est bon marché…  Au contraire, même si vous faites partie de la classe moyenne d’un pays en proie à la pauvreté, il y a de fortes chances que passer des vacances à l’étranger soit un luxe difficile à réaliser. Prenons un instant pour imaginer combien de temps une personne moyenne de Suisse (où le salaire net mensuel moyen est de près de 6.000 euros) doit épargner pour des vacances, par rapport à une personne moyenne d’Indonésie (où le salaire net mensuel moyen est d’environ 283 euros).

Toute personne sans handicap pourra planifier un voyage sans trop de contraintes ou de problèmes, mais il n’en va pas de même pour une personne en fauteuil roulant par exemple. Les maladies physiques et mentales, constituent également un obstacle. Les allergies alimentaires graves peuvent également décourager les voyages en raison du manque d’options alimentaires spécifiques. La santé est sans aucun doute un facteur qui désavantage un groupe de personnes même si celles-ci sont financièrement bien loties.

À une époque où le terrorisme, la suprématie blanche et le racisme sont malheureusement très répandus, la facilité de voyager reste entravée. Certaines personnes se sentent ciblées en raison de leur origine raciale, de leurs opinions religieuses ou de leur orientation sexuelle. Le privilège du « blanc » est également évident.

Connaissez-vous des gens qui portent un hijab ? Les femmes musulmanes doivent davantage se méfier pour voyager dans des endroits où l’islamophobie est endémique. L’intolérance religieuse peut parfois se traduire par un simple sentiment d’hostilité, mais aussi par un harcèlement ou des attaques directes.

Que nous quittions notre travail pour voyager dans le monde, passer deux mois en Asie ou emmener nos enfants en vacances à Disney, nous vivons quelque chose que la majorité des gens dans le monde n’aura jamais la chance de faire.

Nous avons travaillé dur pour arriver là où nous sommes. Nous sommes sûrs que vous aussi vous travaillez dur. Mais il est important de se rappeler que les circonstances qui vous entourent déterminent comment votre travail va porter ses fruits. Il est plus facile de « réussir » lorsque vous n’avez pas à vous soucier de votre logement ou de votre prochain repas. Il est plus facile de réussir si vous êtes éduqué ou si vous pouvez dormir une nuit complète dans une communauté sûre. L’héritage financier, culturel, affectif est souvent déterminant dans la possibilité de travailler efficacement. Nous faisons partie des chanceux.

Voyager pour le plaisir est un privilège. Même si vous avez déjà voyagé avec peu d’argent, en économisant autant que possible, ou en travaillant pour survivre, vous avez eu cette possibilité : la liberté et le choix de parcourir le monde d’une manière à laquelle la plupart des gens sur Terre n’ont pas accès.

Prétendre que la relation entre la chance et la possibilité de voyager est inexistante, c’est nier une réalité. En comprenant que le voyage est avant tout un privilège et une chance, le voyageur en devient plus honnête et authentique.

Dans un prochain article, nous parlerons un peu de ce qu’est pour nous un voyage authentique et comment créer un itinéraire de voyage davantage basé sur l’essentiel, en s’adaptant aux goûts de chacun.